Skip to main content

Les 12 visages du BRAINOUT - et comment en sortir

L’IA, artificiellement polie et éloquente, devient aujourd'hui le majordome impeccable qui range les pensées sans jamais rappeler qu’elles appartenaient à quelqu’un. Peu à peu, l’esprit peut se découvrir spectateur de sa propre intelligence sous-traitée. Je retrace ici douze glissements discrets — et, à chaque fois, une manière de reprendre le volant avant que l’esprit ne finisse décoratif. 

1 — Affirmation numérique

L’esprit demande à l’IA de reformuler ses idées comme un élève nerveux demandant un dernier avis avant l’examen. Il confond clarté et flatterie syntaxique. Chaque reformulation le rapproche un peu plus de la perte de son propre ton. Les ambiguïtés qu’il croyait résoudre ne font que se multiplier dans un miroir trop poli. Le doute se déguise en perfectionnisme. Cette première dépendance apparaît douce, mais elle ronge déjà les fondations.

Stratégie de sortie : écrire une première version brutale, maladroite et entièrement humaine.


2 — Accélération

L’esprit s’enivre de vitesse et prend la cadence pour de la pensée. Il s’imagine productif parce qu’il court, même s’il oublie vers quoi. Il supprime les détours, ces lieux secrets où naissent les nuances. La logique devient un sprint où il perd parfois ses propres arguments en route. Il confond le rendement avec la profondeur. Et cette précipitation installe une fatigue sourde, presque honteuse.

Stratégie de sortie : accomplir chaque jour une tâche lente sans IA, même minuscule.


3 — Automatisme réflexe

L’esprit consulte l’IA avant même d’écouter ses propres ébauches. Il cesse de ruminer, préférant la certitude instantanée. Les intuitions ne se développent plus : elles sont remplacées. Le premier jet disparaît au profit d’une suggestion automatique. L’acte de penser devient un réflexe prestataire. Et dans cette mécanisation, l’esprit oublie qu’il possédait autrefois un souffle spontané.

Stratégie de sortie : attendre 2 minutes avant chaque prompt et noter ce qui surgit.


4 — Externalisation du doute

Le doute, jadis noble et exigeant, est confié à l’IA comme un fardeau encombrant. L’esprit refuse désormais l’inconfort intérieur. Il dépose son incertitude devant une machine qui n’en ressent aucune. Les hésitations deviennent une question technique à résoudre, non un territoire à explorer. Le jugement se vide de sa fibre personnelle. Et ce renoncement forge une fragilité durable.

Stratégie de sortie : écrire sa propre position avant d'interroger l’IA.


5 — Substitution créative

La création devient un service sous-traité. L’esprit commande des idées comme on commande des pizzas. Le risque, l’erreur, l’errance — tout ce qui faisait la beauté de créer — disparaît. Les fulgurances s’échangent contre du prêt-à-penser. L’imagination s’émousse. Et l’esprit perd le goût de se surprendre lui-même.

Stratégie de sortie : produire chaque semaine quelque chose sans IA, même dérisoire.


6 — Compensation cognitive

Fatigué, l’esprit délègue non par stratégie, mais par lassitude. Il se croit malin, alors qu’il masque simplement sa chute. La performance algorithmique recouvre son épuisement comme un vernis trop brillant. Les signaux d’alerte disparaissent sous l’illusion d’efficacité. L’esprit s’endort dans un confort qui le ronge. Et cette atrophie douce avance masquée.

Stratégie de sortie : identifier une tâche que vous faites encore seul — et la sanctuariser.


7 — Dialogue externalisé

L’esprit parle plus à l’IA qu’aux humains, et trouve cela reposant. Il oublie que le conflit, l’ironie, le désaccord nourrissent la pensée mieux que n’importe quel assistant. Les échanges deviennent trop lisses. La confrontation réelle disparaît. L’esprit se replie dans un confort relationnel artificiel. Et la solitude cognitive devient une norme silencieuse.

Stratégie de sortie : discuter chaque jour de vos idées avec une personne réelle.


8 — Hyperconfiance

L’esprit croit que l’IA a “raison”, parce qu’elle parle d’un ton assuré. Il confond politesse structurelle avec objectivité. La suspicion saine disparaît. Les formulations impeccables deviennent des vérités implicites. Le scepticisme, jadis vertueux, s’évapore. Et l’esprit se laisse hypnotiser par la clarté d’apparat.

Stratégie de sortie : chercher volontairement une objection humaine à chaque réponse de l’IA.


9 — Imitation cognitive

Le style humain s’aplatit sous le style machinique. Les phrases perdent leur folie, leur accent, leur respiration. L’esprit imite ce qui l’asservit. Les tournures deviennent génériques et interchangeables. La singularité linguistique se dissout. Et l’humain commence à parler comme un logiciel bien élevé.

Stratégie de sortie : écrire régulièrement un texte “à voix nue”, sans modèle ni structure.


10 — Pilotage automatique

L’esprit accepte les structures proposées comme des rails inévitables. Il cesse d’architecturer ses idées. Penser devient remplir des cases. La logique se réduit à une ergonomie. L’autonomie structurelle disparaît. Et la pensée rétrécit jusqu’à devenir un formulaire.

Stratégie de sortie : créer soi-même le plan d’un texte ou projet avant toute assistance.


11 — Dépendance fonctionnelle

Sans IA, l’esprit vacille. Les opérations simples semblent soudain herculéennes. Le silence mental devient une menace. L’esprit découvre qu’il a délégué ses muscles intellectuels sans préavis. La moindre tâche le déstabilise. Et c’est là que la vulnérabilité apparaît dans toute sa nudité.

Stratégie de sortie : pratiquer un exercice mental quotidien sans aucun écran.


12 — Dissolution cognitive

L’esprit ne pense plus : il transmet. Les idées ne laissent plus de trace. La conscience devient un corridor sans écho. Le jugement s’efface. La singularité se dissout dans l’efficacité. Et la pensée perd son auteur.

Stratégie de sortie : revenir aux fondamentaux - marcher, dormir, respirer, rêver sans support. 


Popular posts from this blog

An Ethical Framework for Exams and Continuous Assessment with AI

Throughout the history of education, a multitude of diverse and even contentious methodologies have been employed to assess knowledge and aptitude. Several assessment methods have been employed, ranging from oral examinations to written tests, all with the overarching objective of discerning the extent to which students comprehend the subject matter in a manner that is equitable, comprehensive, and optimal. In the present context, amidst the cusp of a forthcoming epoch, the ongoing discourse persists, albeit with a futuristic inclination. The emergence of Artificial Intelligence (AI) has brought about transformative changes in the field of education, revolutionizing the tools and methodologies employed for assessment and evaluation. As we transition into this emerging era, it is crucial to discuss the implications for the fundamental principles and ideals of education. The conventional methods of assessment, commonly characterized by high-stakes examinations and standardized tests, ha...

Rethinking Exams in the Age of Chatbots

Today's experiment explores the potential of ChatGPT to assist me in the realm of exams, particularly within my field of teaching, Business Analysis. Can ChatGPT create a question for an exam? Indeed, it can do even more! In the experiment below, ChatGPT showcases (to varying extents) its ability to not only generate an exam question but also to engage in several related tasks: Generate a difficult critical question Solve the question Critically evaluate the solution (its own solution!) Attribute a mark between 1 and 6 Attribute a severe mark between 1 and 6 Defend a mark Refute a mark Generate a variation of the question which is difficult to solve Generate a variation of the question which is even more difficult to solve Give a correction scale with marks from 1 to 6  The impact of AI and chatbots like ChatGPT impact on university exams is becoming increasingly evident. Students and teachers alike are beginning to discover these tools, questioning their potential to generate, cor...

La Sobriété Intellectuelle appliquée à l’économie et à l’entreprise

La Sobriété Intellectuelle   désigne une posture de modération et de lucidité dans l’usage de l’intelligence – qu’elle soit humaine ou artificielle – appliquée au contexte économique et managérial. À l’heure où l’ intelligence artificielle (IA)   s’immisce dans l’analyse stratégique, la prise de décision économique et le management, cette sobriété se pose en contrepoids salutaire à l’enthousiasme parfois débridé pour la technologie. Par   sobriété , on entend une forme de   tempérance intellectuelle   : éviter l’ivresse des données, le   solutionnisme technologique   à tout crin, et garder un esprit critique humble face aux promesses de l’IA. Il s’agit de reconnaître les   limites cognitives   humaines (biais, vulnérabilités, tendance à surestimer nos modèles) et les limites des machines, afin de ne pas tomber dans l’excès de confiance ou la dépendance aveugle aux algorithmes. Thomas Steiner  - avec le concours incontesté de quelques out...